#acrossthechamps – Quelle aventure !!

Ce n’est pas la première fois que je me lance un défi, mais celui-ci est de taille (pour moi). Berten De Canne (@mtbikerfromberendrecht) et Stefan Maertens (@stefan.maertens.cycling) ont organisé la troisième édition d’une expérience de bikepacking en gravel à travers la Champagne-Ardennes. Un parcours de 200 km et un parcours de 400 km sont au programme. Ils sont belges et organisent tout ceci pour que les flamands (entre autres, ) puissent découvrir un autre endroit accessible pour une course d’un weekend. Ils ont plusieurs évènements que je vous invite à découvrir sur le site de l’organisation : https://www.act5.be/

J’ai déjà fait 200 km en solo sur route…. J’ai déjà fait 215 km en vtt sur deux 24h en solo… Je n’ai jamais fait une très longue distance, jamais fait de bikepacking en autonomie, jamais participé à un évènement gravel. J’ai donc coché la case 400 km d’aventure et de plaisir.

Une « registration » vendredi soir à Pouillon pour récupérer le tracker gps, quelques goodies, et prendre la température auprès de quelques autres riders présents. (Certains sont arrivés là en vélo…. Oui oui…. Alexandre arrive de son lieu de couchage situé à Reims…. Kenny vient de Meise à côté de Bruxelles….240 km dans les pattes le garçon…et inscrit sur le 400, il y a des gens comme ça). Du coup, je commence à sentir ma préparation un peu légère.

Le Kenny avec une montgolfière au loin

Je suis accueilli, pour cette dernière nuit confortable, par mon cousin Pierre-Jean. Il a les bons mots pour maintenir mon moral dans le vert, pour me laisser dans ma préparation, pour que je sois prêt pour le départ. Il m’accompagne sur la ligne dans la fraicheur du matin, 9°, et l’aube timide se devine déjà, au loin, sur le mont de Berru. La journée devrait être belle.

Le départ est lancé avec les frontales allumées. On monte Pouillon et certains ont des jambes de feu. Le peloton d’environ 50 riders s’étire rapidement et nous passons de forêts à chemins, de traversées de routes à sentiers cachés entre les maisons, et c’est un passage à niveau qui nous regroupe tous. Pouah ! Il y avait du monde devant ….

C’est très roulant jusque Vrigny puis nous attaquons la montagne de Reims. Ca monte, il fait beau, mais je passe à côte du champagne Wafflart, ça me plonge l’esprit dans les souvenirs, puis encore lorsque le soleil illumine Reims quand je passe à la Chapelle Saint-Lié de Ville-Dommange.

Nous suivons une trace gps donnée par l’organisation, car il n’y a pas du tout de fléchage, et cette trace est top. Super propre, pas de mauvaises surprises, les bifurcations sont bien indiquées, et nous voyageons à travers les vignes sous un temps magnifique. On pourrait s’arrêter tous les 500 mètres pour faire une photo, tellement c’est joli. Mais il faut encore pédaler. En principe, Fabien est sur le parking des Faux de Verzy (48ème km) et je luis avais dit que j’y serais vers 9h30…. J’ai 12 minutes de retard quand je le rejoins en train de courir. (Il sera sur le 175km de l’UTMJ week-end prochain… Et on dit que je suis dingue…)

On quitte la montagne de Reims et c’est maintenant très roulant jusqu’au premier et seul ravitaillement prévu.  Je roule quelques km avec Tijs Gerritsen qui me dit qu’il va certainement partir sur le 200 parce qu’il a une gène dans un genou et que c’est compliqué. Je lui propose un doliprane mais il préfère sentir la douleur et ne pas abuser. (Lui, c’est un sage….) Le ravito se situe au 100ème km et c’est allongé sur les prolongateurs pendant presque 40km que je m’y rend. Ca y est ! Le premier 100 est fait. Je remplis mes gourdes, mon Camelbak. Je mange une banane, des bouteilles de coca acidulées, une barre de céréale. Je regarde un peu les autres riders ; Alexandre prévient l’organisation qu’il va, finalement, sur le 200. Berten essaye de motiver d’autres à partir sur le 400 mais ça ne prend pas… étrange…

Je préfère ne pas rester à trop longtemps. Il ne faudrait pas que les autres me donnent envie de me détourner de mon objectif de distance. Alors je repars en direction des éoliennes et des grandes plaines. Ce sont de grands chemins blancs à travers les champs de patates et de betteraves, ce sont de grands chemins que j’espérais aussi roulants qu’avant le ravito. Mais non ! Du gravier et du vent défavorable rendent l’exercice extrêmement douloureux. Pas de rendement pendant 30 km et beaucoup de douleur morale. Un coup de téléphone de mon fils Gabriel me donne déjà les larmes aux yeux avant d’arriver à Vitry le François, mais c’est plein du courage qu’il me donne que je repars de bon train. Claude et Sylvie me font la surprise de me soutenir à deux endroits autour de Vitry. Ca fait un bien fou. Il est vrai que nous ne sommes pas beaucoup à rouler sur cette trace. 21 riders au départ, on ne se voit pas souvent si ce n’est quand l’un ou l’autre fait une pause. Alors voir de la vie autre qu’un renard, un lièvre ou des zozios, est toujours une source d’énergie.

Je suis attendu à Givry en Argonne, devant la superette du coin, pour un long ravitaillement. Alors je me fais violence et j’essaye d’avancer. En effet, j’aperçois la frontière Marne/Meuse du haut des coteaux que la trace nous fait visiter de haut en bas et de Vitry à Givry. J’ai un peu sommeil et je pense sérieusement à m’arrêter 15 minutes. Mais j’ai déjà du retard sur l’heure indiquée à mon lieu de pause alors je roule encore. A l’arrivée, il est 19h24. Mon comité d’accueil se gèle depuis environ une heure déjà…. Mathilde est venue avec Marie et Arthur ! Quel bonheur de voir tout ce monde là. Je ne suis pas le seul fou de la pédale à être en pause ici. Le carrefour express se fait dévaliser par 4 puis 5 et 6 gravel men. Sandwichs, pizza, glaces, sucreries, pâtés croutes, jus d’orange… les ventres et les sacs se remplissent pour la nuit fraiche et longue qui s’annonce. Après un peu de nourriture et 5 minutes de fermage d’yeux (peut être plus…ça m’a paru court), c’est nourri moralement par ces trois membres de ma famille que je repars plus motivé que jamais. « Un Smits n’abandonne jamais ! » qu’ils m’ont dit… alors go go go !

Un rapide coup d’œil sur les réseaux sociaux, je check les messages et les commentaires (il y en a plein plein plein), je m’empresse de remercier mes « hôtes » et c’est équipé de la frontale prêtée par Samy que je m’élance dans la nuit.

C’est très humide mais très roulant jusque Sainte-Menehould. Les sensations sont bonnes, il fait frais, mais on revient à découvert. Il y a de grands passages dégagés où, parfois, j’aperçois une lumière qui clignote au loin. (c’est bon, je suis toujours sur la bonne trace). Le ciel est dégagé, la lune est un peu rouge, à chaque fois que je regarde le ciel, malgré les virages à droite ou  à gauche, j’ai la grande ourse devant moi… (La terre tourne-t-elle si vite ? c’est normal ça ???)

Puis un morceau de calvaire commence. Alors que je croyais que les terres ardennaises me réserveraient le meilleur accueil, hey beh c’est raté ! C’est excessivement gras ! On ne peut pas rouler sur les doubles de traces des engins agricoles car ça colle. Je suis obligé de rouler dans l’herbe au centre ou sur les bas-côtés. Tantôt obligé de pousser le vélo dans les montées, tantôt obligé de m’arrêter pour débarrasser les roues des tonnes de boue qui se collent et qui les empêchent de tourner. J’aperçois, maintenant, les éoliennes des hauteurs entre Semide et Machault… Le vent est là aussi et me transperce de froid. Les mains peinent à passer les vitesses, je ne sens plus mes orteils. Au loin, je vois l’usine de Pauvres qui marche à plein régime, toutes lumières allumées (pire qu’un stade de foot), d’où j’ai l’impression d’entendre sortir de la musique.

Juniville, je dois me résoudre à trouver une solution pour me réchauffer. Je ne peux plus avancer sans me mettre plus encore en danger. Je trouve une hangar agricole ouvert rue de Bel Air (c’est une rue qui a un nom de fou ça).  Mon plan de base est de me jeter dans un sac de survie pendant 30 minutes pour me réchauffer puis repartir à l’attaque. Les sensations sont bonnes sur le vélo hormis le froid. Finalement, le minuteur sonne et j’ai toujours froid. Je prolonge encore de 30 minutes mais rien n’y fait. Ça a empiré. Je claque des dents. Mais à quoi je pensais ?! En analysant mes données gps maintenant, j’étais à l’abri du vent mais il faisait toujours que 8 degrés à ce moment-là. L’urgence est d’arrêter les conneries maintenant. Est-ce que j’appelle à l’aide ? Je réveil l’agriculteur de la maison d’à côté ? Je décide de me servir de mon bivvy acheté à cet effet et je m’enferme hermétiquement dedans. Plus de réveil. Il faut que je me réchauffe, et quand ce sera fait, je me réveillerais et pourrais repartir. C’est 1h50 après que je m’éveille réchauffé et avec la conviction de voir la fin de cette #acrossthechamps 2023.

Ca va super bien. C’en est étrange. J’essaye de me nourrir car j’ai sorti le plan bouffe de mon esprit lorsque j’ai priorisé mon réchauffement. J’arrive à Rethel où je rêve de prendre un café et remplir mes gourdes à la station total…. Elle est fermée… Je continue donc mon chemin sur la voie verte le long de l’Aisne et les premiers sms du matin arrivent pour me réconforter. Je trouve une boulangerie à Château Porcien (pas de CB possible…). J’achète deux pains au chocolat. J’essaye de quémander pour acheter un café salvateur mais le boulanger m’indique seulement le troquet du coin qui n’est pas sur ma trace… alors il n’y aura pas de café.

Je m’échappe du Porcien pour arriver sur les hauteurs (non sans pousser le vélo d’ailleurs) et profiter du lever de soleil en mangeant mon groin au chocolat. Je suis en direction de la frontière Ardennes/Aisne et ils ont mis les éoliennes aussi ici. Autant l’aller se déroule sans trop d’accrocs, autant le passage par le « fond de chaudron » m’envoie à terre dans une descente à 40 km/h. Une trace un peu trop grasse et trop profonde me fait voler par-dessus Evinrude qui me raye les deux cuisses en tentant de me rattraper avec son cintre…. Plus de bleus que de mal… J’ai eu une belle frayeur mais la balade peut continuer.

Le terrain qui pourrait être roulant ne l’ai pas. C’est plutôt sec mais les traces sont jonchées de petites mottes herbeuses qui secouent la fourche avant et qui donnent la sensation d’être en relance à chaque coup de pédale. Définitivement, rien ne se fera sans douleur. On rentre dans l’Aisne par Nizy-Le-Comte puis on se remet le nez au vent jusque Guignicourt. La ligne d’arrivée n’a jamais été si proche mais ce ne sont pas les bords de l’Aisne chaotiques qui nous ménagent. Ce qui me redonne de l’élan, c’est la présence de mon frère, de mes neveux et nièces Faustin et Margaux ainsi que de mes parents qui me remet un coup de boost. Je lutte pour ne pas éclater en sanglot devant eux mais ça fait tellement de bien de les voir que l’émotion est difficile à contenir. Il ne reste que 20km alors on ne s’éternise pas.

Encore quelques encouragements à Cormicy, puis on s’attaque aux deux dernières montées. Environ 3km puis 1,5km avec plusieurs passages entre 11 à 22%… Ca pique après 400 km.

Enfin, des sms s’affichent sur mon gps m’indiquant qu’il n’y a plus qu’à descendre. Je suis au bout.

Je rentre dans Pouillon ! Heureusement, je n’ai pas de comité d’accueil de proches sinon je me serais laissé d’border par les émotions déjà limites. Je retrouve les organisateurs et trois riders encore présents. On échange sur nos ressentis, nos difficultés, nos moments de faiblesse, notre nuit gelée, nos pertes de lucidité, etc… et je me sens beaucoup moins seul d’un coup.

Et, vous savez quoi ? Je suis FINISHER de ma première « course » et première expérience en bikepacking et je ne peux pas vous décrire à quel point ça m’emplit de satisfaction personnelle.

Un résumé en quelques chiffres :

Nombre de messages et commentaires reçus : environ 400 !!! Ma plus grande motivation pour avancer !!! Vous êtes géniaux et je ne peux pas vous remercier à la hauteur de ce que vous m’apportez dans ces moments de folies. Mille mercis à tous.
Distance : 412.16 km
Dénivelé positif : 4.589 m (je n’étais pas loin du sommet du Mont Blanc)
Durée de course : 30h42min (13,4 km/h de moyenne)
Durée de déplacement :  25h15min (16,3 km/h de moyenne)
Poids du vélo chargé : environ 18,5 kg
Boissons diverses : 13,5 l environ
Poids perdu pendant l’évènement : 3,8 kg
Température mini : 4 degrés
Pannes mécaniques : 0 (même si ça croustille de partout maintenant….)

Matériel utilisé :

  • Evinrude : Scott speedster gravel 30 conseillé et préparé d’une main de maitre par Les cycles Zanet et Fawzi
  • Sacoche de cadre : Restrap frame bag Medium et Restrap top tube bag
  • Harnais et drybag de selle prêtées par Spaderman : Riverside (au top du top, un très grand merci président)
  • Pneus : Hutchinson Touareg tubeless 45×700
  • Lumières : Klamp 1600 lumen avec batterie 7200mAh (Génial ! Merci Samy)
  • Couchage : sac de survie basique (pas suffisant donc) et Bivvy Escape de la marque SOL (mon sauveur)