L’idée d’une randonnée sur les chemins de St Jacques de Compostelle avait été émise par Thierry & Catherine lors de l’Assemblée Générale. Elle avait fait jaillir – tels les rayons du soleil qui transpercent les frondaisons de chêne un matin de juillet – une vague d’enthousiasme généralisé chez les adhérents. Ils s’étaient exclamés : « Avec plaisir ! », « J’en serai ! », « Magnifique initiative ! », « Banco ! », « Hein ? Il a dit quoi ? La femme a qui qu’a les oreilles dans le plâtre ??? » (pour ceux assis au fond de la salle et qui n’avait rien écouté).
Ce déferlement de volontaires transforma l’idée initiale d’une virée avec une poignée de riders, en véritable périple à 18 vélos, montés par des pilotes de tous âges, sexes, niveaux, préférences politiques et sexuelles…en somme en un colossal challenge pour les organisateurs!
Le pèlerinage sur chemin pieu cela fonctionne sur le principe de la rédemption : la douleur physique permet d’oublier le confort matériel et donc de se rapprocher du sort des malheureux, ceci afin de se rapprocher du divin. Donc assez logiquement, St JACQUES en personne décida de disqualifier Hervé (tellement affûté qu’il n’aurait jamais réussi à souffrir) et Laurent (déjà au taquet au niveau des points « BA » avec l’organisation réussie de la RPS). Ainsi, ce sont 16 et non pas 18 raidars qui se présentèrent finalement sur la ligne de départ le samedi 25 mai 2019 à 6h précise au Lac des Veilles Forges.
Dès 5h59 la troupe est au complet sur le parking et piaille gaiement comme une nuée d’hirondelles. Stéphane l’Ecureuil s’est levé à 4h30 parce qu’il habite loin dans LA PLAINE CHAMPENOISE ; alors il est un peu ronchon (comme Florian ;). Il dit qu’à cette heure-là même les canards du lac ne sont pas encore réveillés! S’en suis naturellement une série de surenchères pour déterminer celui qui s’est levé le plus tôt. Concours remporté haut la main par Cacal qui s’est levé……………tellement tôt qu’il a oublié de fermer la porte arrière de son utilitaire et a semé une godasse sur la route en venant.
Jipé est là avec un pickup à faire pâlir de jalousie PTR et une magnifique remorque 20 places qu’on charge sans difficulté. Thierry nous présente sa sœur et son beau-frère, Florence et Francky, qui forment le binôme d’Assistance. Nous chargeons les baguages dans le Vito et nous nous mettons en tenues de combat : casques, gants, chaussures et sac à dos car la randonnée ne se fait pas en simple mais en TOTALE autonomie. Le groupe est excité comme un bus de collégiennes le jour de la sortie scolaire. On a hâte d’en découdre. Les jambes commencent à pédaler toutes seules. On saute dans le bus Francotte à peine la porte ouverte, on dit bonjour à la dame, et hop, en route vers l’aventure ! Ceux qui espéraient finir leur nuit dans le bus réalisent très vite que L’Ecureuil, Guitou, John et Yannick « La Charrue », sont branchés ce matin sur du 400 000 Volts et ont confondu au petit déjeuner la boite de l’ami Ricorée avec la boite de Guronsan. Le pauvre Thierry a bien du mal à faire entendre le briefing de la journée, pourtant préparé aux petits oignons. Catherine nous gâte de belles attentions : du pudding au raisin préparé par ses parents avec le pain restant de la RPS. Une véritable coquille St Jaques ornée du blason du club et rappelant les objectifs chiffrés du weekend : 153 Km et 3500m de D+. Je réalise alors que cela équivaut à enchaîner le 70Km de Oignies et le 70Km de Olloy le lendemain…ce qui me parait inenvisageable.
Comme on approche de Namur, El’Ninin commence à se concentrer et se préchauffe les gigots en les frictionnant avec du Baume du Tigre. L’odeur chatouille les narines de l’Ecureuil qui nous dégaine des répliques à la Audiard : « C’est fabriqué avec les pattes arrières du Tigre ton truc, et y’aurait un bout d’couille là-dedans que ça ne m’étonnerait pas ! ». Le bus est hilare. L’ambiance est au top. Comme je suis assis loin de John et Guitou j’en profite pour dire des trucs intelligents en cachette (sinon ils se moquent de moi). Je demande à Tintin L’Apothicaire (oui Stéphane2 a aussi droit à un surnom) s’il sait que l’effet chauffant du Baume du Tigre est provoqué par la capsaïcine ; principe actif qui est aussi responsable du goût brulant des piments. Il me répond que cela vient du Camphre et poursuit en me listant de mémoire tous les ingrédients du baume, qui incluent notamment l’huile essentielle de Cajeput ; nom de plante qui me fera ma journée.
Arrivée à Namur, parachutage des raidars à la volée sur la place de la Gare où il est interdit de s’arrêter plus de 60 secondes. On salue et on remercie Jipé pour son dévouement avant qu’il ne s’en retourne à Carignan. Un SMS à M’man, on ajuste le sac à dos, on démarre le GPS, on clipse les pédales et cette fois on y est ! Les chemins de St Jacques s’ouvrent à nous !!! Les premiers hectomètres se font dans le centre-ville, sous l’arche de la Bourse, jusqu’à la place d’Armes. L’escadrille de 16 vététistes arborant les mêmes couleurs fait forte impression. Les namurois nous saluent, nous encouragent et nous photographient. Pour remercier nos amis belges de cet accueil chaleureux on pisse tous sur leur citadelle 100m plus loin. (En effet, l’excitation a fait monter la tension artérielle ce qui accélère le fonctionnement des reins. Mais j’arrête là avec les explications scientifiques sinon je vais encore être accusé d’homosexualité).
Les choses sérieuses commencent avec l’ascension de la route pavée qui traverse la Citadelle. Arrivés en haut nous admirons la vue sur la capitale Wallonne et certain retirent déjà une couche de vêtements sous l’agréable soleil printanier.
Thierry mène le groupe et Catherine ferme la marche pour ramasser les brebis égarées. Ils ont chacun l’itinéraire consciencieusement préparé et testé avec Spaderman. Ils portent des Talkies pour checker la cohésion du groupe à chaque croisement. En un mot : du très grand professionnalisme ! ChocoBob aussi a un Talkie mais je crois qu’il trifouille surtout au bouton pour essayer de trouver de la musique. On avance vers le Sud-Ouest en serpentant sur la route Merveilleuse parmi de magnifiques châteaux et demeures en pierre bleue. Après le bois de la Vêcquée nous passons à côté du Fort de Malonne. Dans la descente vers Burnot par un sentier étroit à flan de jardins, j’ouvre le festival des boîtes du weekend en touchant le grillage avec ma poignée gauche. Je retiens mes larmes le menton tremblant et me remets vite en selle pour terminer la descente où nous croisons pour la 1ère fois le Vito d’assistance. C’est après cela que les choses se gâtent. Le ciel s’obscurcit et se charge de lourds nuages. Arrivés sur le plateau de La Sibérie nous boudons un peu le paysage, pourtant magnifique, parce que nous surveillons d’avantage les nuages. Une goutte, puis deux, puis 10 000 ! La météo part en sucette et c’est sous une pluie battante qu’on attaque l’ascension vers l’émetteur de la RTBF. Veste imperméable ou pas, tissu déperlant ou pas, la pluie froide et drue finit par pénétrer partout. Le moral des troupes prend un gros coup. On se regroupe sous un arbre comme des singes pour attendre la queue de peloton. L’Ecureuil porte réclamation et gueule sur le tarif exorbitant de cette randonnée de merde ! La pluie continue de tomber et il faut énormément d’optimiste et de foi pour réussir à apercevoir un coin de ciel où « ça se lève ».
La bande arrive à Godine pour le déjeuner, les oreilles en arrière, la queue basse et le poil tout collé. Nous nous réfugions dans le hall providentiel de la petite Gare où nous établissons le campement, sous les yeux éberlués des quelques usagers. Frigorifiée, la majorité des raidars pense sérieusement à abandonner, mais seulement quelque uns l’exprime de manière explicite. Alors que tout semble perdu, le véhicule d’assistance arrive en trombes avec ses gyrophares, toutes sirènes hurlantes, et se gare devant la gare en faisant un dérapage au frein à main. Florence et Francky (vas-y c’est bon) viennent nous sauver la vie ! Ils nous apportent du manger, du à boire, des fringues sèches et un miraculeux rouleau de sacs poubelles… Abandonnant alors toute dignité, nous nous taillons des vêtements de pluie en faisant 3 trous dans le fond des sacs. Seul Florian (à qui il serait temps aussi de trouver un surnom….) résiste à cette tentation et choisit de rester humide mais classe. Les autres improvisent un concours de mode et Guitou nous offre même un défilé avec un déhanché digne des plus grands top model. J’envoie à Isabelle une photo des raidars dans leurs saillants emballages plastiques. Elle me répond spontanément « oh putain les clochards ». Profitant de la rigolade généralisée, Yannick La Charrue s’est éclipsé pour allez faire la grosse commission dans en endroit discret.
Notre guide suprême surveille la montre et il est déjà temps de lever le camp sous la pluie qui continue de tomber. Le moral est en berne, on grelotte, mais on y va ! L’itinéraire emprunte un tunnel long et exigu qui passe sous les voies ferrées. Thierry ouvre la file et s’arrête – pour une raison toujours inexpliquée à ce jour – juste à la sortie pour laisser la troupe profiter de la qualité d’air intérieur pendant d’interminables minutes. L’odeur est infernale. Le lieu est tellement insalubre que Tintin l’Apothicaire remarque la présence de Staphylocoques dorés gros comme des doryphores ! Yannick est unanimement désigné comme responsable de cette odeur.
La trace reprend de la hauteur à travers le bois de Fontelène en direction de Evrehailles. L’effort nous réchauffe. St JACQUES a pitié de nous : Il fait cesser la pluie. Les paysages sont magnifiques et le terrain très varié. C’est du vrai VTT qui demande de la technique! Seb et L’Ninnin se régalent. « Fabrice a laissé la fée électricité au vestiaire mais il tient une forme olympique! Il talonne notre guide tout du long ». Nous traversons une réserve naturelle pour arriver jusqu’aux ruines du château de Poilvache contre lequel nous n’urinons pas. Traversée d’un long chemin rectiligne dans le bocage avec un terrain tellement boueux qu’on se fait des copains chez les têtards. Puis ascension du Mont-d’Houx, qui pique les jambes comme son cousin arbuste. C’est là que je réalise que je supporte vachement mieux le D+ depuis que j’ai perdu l’équivalent du poids d’un VAE mort… A ce propos Cacal rencontre de nombreux soucis techniques comme par exemple du jeu dans la buselure des roulements de la tige de selle qui a perdu la connexion bluetooth avec la GoPro (prend une rafale). Heureusement, Guitou, avec son maxi-outil-mystère, lui vient en aide.
Après une magnifique descente en lacets sous la carrière nous arrivons à Leffe, non loin de l’abbaye, mais sans en déguster la spécialité monastique. Dans un timing orchestré de mains de maître, le binôme Assistance a déjà dressé la table du ravitaillement au moment où nous arrivons. Les gaufres et les oursons au chocolat se font défoncer la gueule par une horde de bikers affamés. On a déjà quelques kilomètres dans les jambes et le périple est loin d’être terminé. Comme le ravito est pris au bord de la Meuse, nous ne nous faisons pas d’illusion sur la suite… Il va falloir remonter. Cette fois c’est la Citadelle de Dinant que nous prenons d’asseau, après un court passage en centre-ville par une voie à contre sens, façon Free Riders (on s’en fout puisque nos deux flics sont désormais en retraite). Par coïncidence les abords de la Citadelle sont le théâtre ce jour d’un Trail, assez velu apparemment…Donc nous nous hâtons de passer notre chemin en suivant leur balisage à contre sens avant l’heure du départ pour ne pas risquer le choc frontal. « Trailer tout maigre : 0 point – Char d’assaut d’Anouchka : 1 point ». Se sont encore de beaux singles qui s’enchaînent et nous régalent. La traversée en file indienne d’un champ de hautes orties nous permet d’entendre un admirable récital de « Aaaaaaah putaiiiiiiin !!!! » qui s’enchaînent sur différents octaves. A chaque croisement on patiente un peu pour regrouper. A chaque croisement ça pète, ça rote et ça se gratte la couille. Il est environ 17h quand on attaque la dernière ligne droite sous un soleil radieux le long des berges de Dinant. Passage de la fameuse dalle à fleur d’eau creusée sous la paroi rocheuse (1,94m assis sur Camber XL, ça raccroche), traversée de quelques pâtures en gardant toujours du coin de l’œil le taureau ; Puis chemin de hallage qui nous permet d’admirer encore de très jolis châteaux et parc arborés impeccables. Quelques inconscients se tirent la bourre jusqu’au pont d’Hastière afin de brûler leurs dernières cartouches, puis les plus téméraires des inconscients se re-tire la bourre encore une fois dans l’ascension de la route vers l’auberge.
Nous arrivons enfin à bon port et nous sommes accueillis chaleureusement par le patron à la rondeur et bonhomie typiquement Belges. Il s’agit d’un établissement familial situé à l’écart de la ville, dans un vallon très encaissé. La patronne est tout aussi sympathique que le Patron. La fille en revanche a le regard noir et des sourcils de Loup-garou. J’ai peur qu’elle nous assassine pendant la nuit.
La répartition des 16 amis parmi les chambres de l’auberge prend un bon 45 minutes parce qu’il faut composer avec de très nombreux paramètres : affinités personnelles, couples, ronflage ou pas, choix du type couchage, appréhension ou non à l’idée de dormir dans le même lit qu’un autre homme et donc de risquer un câlin accidentel…etc. Nous finissons par y arriver et au moment de descendre prendre l’apéro, Laurent El’Président nous a rejoins. On discute et on lui fait notre rapport de la journée pendant…2 ou 3 super des Fagnes, puis nous passons à table. Catherine nous offre encore un petit cadeau en forme de sanglier : une couque (spécialité de Dinant inventée par le Syndicat des Prothésistes Dentaires). Le repas est délicieux et très copieux. Seuls les rudes gaillards, les bestiaux, les armoires à glaces comme Tintin l’Apothicaire parviennent à venir à bout de la plâtrée de frittes et même finir l’assiette du voisin. Thierry et Laurent nous font le briefing de la journée du lendemain qu’on ne peut pas qualifier de plus facile mais….de différente….Sur ces nouvelles très rassurantes et la fatigue aidant, les raidars ont les yeux qui picotent et vont se coucher (PTR et Anouchka un peu plus vite que les autres). Comme pour la cuisson d’un steak « bleu » on fait juste deux aller-retour dans le lit et hop, prêts à servir à la table de Morphée !
To be continued…
Je vois que les forces telluriques acquises sur les terres ancestrales de Reynald lui ont été très bénéfiques y compris pour la rédaction de ce bijou de CR. vivement la suite !!!!!!!!
Tintin n’est pas susceptible 🙂
Merci
Du grand art Reynald !! à la lecture de ce CR, nous revivons l’évènement ! Chapeau l’artiste !
Merci:)
Un grand écrivain est né.
Merci Anoucka!
Très très beau CR ! Bravo !!
Merci Florian !
J’adoooooore ! Merci pour ce récit. Je viens de passer un excellent moment de lecture.
J’ai une nouvelle excuse pour les crampes que celle du manque de magnésium ou les sulfites de mon blanc d’alsace…
J’attend la suite avec impatience. (Le dimanche à certainement vu naître le surnom de Florian ….)
Super CR
Wouah, super CR !
Ça donnerait presque envie de se mettre au VTT !!!! Si si Cyril, c’est bien tata qui écrit ça…